Des tableaux vides aux tableaux pleins. La production d’une représentation globale de l’économie
Résumé
National accounts are based on two major tables - the Overall Economic Table (OEE) and the Input-Output Table
(IOT). Together, these two tables are generally considered to be the main representations of the national economy.
However, to tell something about a country’s economy, they both need to be quantified. In line with work in
the sociology of quantification that closely looked on measurement activity, this article focuses on the work
operations that allow the producer of the French national accounts – the INSEE national accounts department –
to move from empty tables to full tables, carrying a representation of the French economy for a year or a quarter.
Based on a nine-month ethnographic survey within the National Accounts Department, it questions the effects
of these work operations on the object “national economy”. The argument of this article is that the activity of
measurement does not simply provide access but participates in producing a new reality: each work operation
adds something new to the national economy. National economy as an accounting, global and coherent object is the result of this work
La comptabilité nationale s’articule autour de deux tableaux de référence – le Tableau Économique d’Ensemble
(TEE) et le Tableau Entrées-Sorties (TES). À eux deux, ces tableaux sont généralement envisagés comme les
principales représentations de l’économie nationale. Cependant, pour véritablement dire quelque chose
de l’économie d’un pays, le TEE et le TES doivent être chiffrés. Dans la lignée des travaux de sociologie de la
quantification attentifs à l’activité de mesure, cet article s’intéresse aux opérations de travail qui permettent au
producteur des comptes nationaux français – le département des comptes nationaux de l’Insee – de passer des
tableaux vides à des tableaux pleins, porteurs d’une représentation de l’économie française pour une année
ou un trimestre. Fondé sur une enquête ethnographique de neuf mois au sein du département des comptes
nationaux, il interroge les effets de ces opérations de travail sur l’objet « économie nationale ». L’argument de
cet article consiste à dire que l’activité de mesure ne se contente pas de donner accès, mais participe à produire
une réalité nouvelle : chaque opération de travail ajoute à l’économie nationale quelque chose de nouveau.
L’économie nationale comme un objet comptable, global et cohérent est le résultat de ce travail.