L’idée que les entreprises sont des acteurs politiques est de plus en plus largement partagée aujourd’hui, contrairement aux représentations qui ont longtemps prévalu. Cette idée est attractive mais ambiguë : que recouvre-t-elle précisément ? Comment comprendre cette politisation contemporaine des entreprises ? Et comment les entreprises répondent-elles à la politisation de leurs actions dans la sphère publique ? Les participants au débat explorent ces questions en les resituant dans l’histoire, et en s’interrogeant sur l’éventuelle possibilité, pour des entreprises, de participer à la fondation d’un nouveau contrat social pour le XXIe siècle.Philippe Lefebvre : L’idée que l’entreprise soit un acteur politique est attractive mais n’est-elle pas ambiguë ? On pourrait distinguer une action politique des entreprises au sens étroit des interactions avec les acteurs et institutions de gouvernement (l’exécutif, le législatif, le judiciaire) et une action « politique » au sens plus large d’interaction avec l’espace public, avec la société.Jean-Philippe Robé : Cette distinction est très importante. Le premier rôle est classique et banal. C’est ce que l’on peut appeler le lobbying. L’entreprise n’est pas particulière à ce point de vue. Elle est porteuse d’intérêts, comme une multitude d’autres institutions dans la société, et essaie de les promouvoir auprès des composantes de l’État qui lui sont les plus accessibles. Le second rôle est beaucoup plus intéressant. Et voir en l’entreprise un « acteur » est quelque chose de simplificateur et problématique…