Apparue dès les années 1990 aux États-Unis pour analyser l’essor et le déclin des sociétés amérindiennes, la modélisation multi-agents appliquée à l’archéologie se développe depuis une quinzaine d’années en Europe. Relevant du domaine de l’Intelligence Artificielle Distribuée, les SMA offrent la possibilité de simuler les processus à l’œuvre dans les transformations qui affectent les sociétés anciennes en mobilisant de multiples entités qui interagissent entre elles et avec leur environnement, générant ainsi une dynamique. Les simulations permettent de tester des hypothèses concernant ces processus afin de comprendre la trajectoire des sociétés anciennes, dont les changements perçus par les archéologues et les historiens sont interprétés en mobilisant différents concepts (crise, mutation, réorganisation…). Indépendamment des résultats produits par ces modèles, les SMA ont aussi de grandes vertus heuristiques. L’élaboration des modèles conceptuels et l’implémentation informatique de ces systèmes socio-environnementaux nécessitent une réflexion sur les interactions complexes entre les processus sociaux et les phénomènes naturels, sur les différents types de données à intégrer, sur leur articulation et la pertinence des paramètres retenus : cela passe par un dialogue étroit entre sciences humaines et sociales, sciences de l’environnement et sciences informatiques. L’utilisation des SMA apparaît donc comme un nouvel enjeu pour le développement des études pluridisciplinaires sur les interactions sociétés-milieux. Cette communication dressera un bilan des expériences de modélisation multi-agents appliquée à l’archéologie. Nous présenterons de manière plus détaillée les modèles ModelAnSet, ROMCLIM et FER-AGRI développés pour analyser l’évolution du peuplement et des paysages agraires dans le sud de la Gaule entre l’âge du Fer et la fin de l’Antiquité romaine, en relation avec les changements climatiques. À partir des enseignements tirés de l’élaboration de ces modèles et de l’analyse de leurs résultats, nous dégagerons de nouvelles pistes de recherches et des perspectives pour le développement des SMA appliqués à l’archéologie du peuplement et des paysages. Leur enrichissement futur par la prise en compte de nouveaux paramètres et composantes permettra non seulement d’intégrer plus de complexité, mais aussi de renouveler les questionnements liés à l’histoire des sociétés anciennes restituée à travers le prisme des données archéologiques et paléoenvironnementales.